Juillet

Lundi 12 juillet
Les années filent et ma plume se pose de plus en plus rarement. Fainéantise de l’esprit, désintérêt pour la tenue d’un carnet de bord, je ne sais. Ce jour charnière devait toutefois figurer dans ce Journal délaissé.
Ma Sandre et moi, c’est fini. La décision n’a pas été prise sur un coup de tête mais longuement réfléchie au cours des mois de mon silence littéraire (depuis janvier 1999 pour les premiers signes). Nous étions devenus, sans avoir jamais été vraiment passionnés l’un pour l’autre, des amis affectifs. Nos rapports mutuels comportaient de grosses lacunes incomblables.
En quête d’un studio meublé, le hasard des annonces, après nombre de déceptions, m’ont fait tomber sous le
charme d’un nid sis rue Vauban dans le sixième arrondissement de Lyon (l’un des deux plus cotés de la ville), meublé avec, ce qui est une rareté, machine à laver ; exposition plein sud sans vis-à-vis (l’immeuble de quatre étage donne sur l’immense place de l’Europe).
Un intérieur bien agencé m’a permis de m’organiser un lieu de vie plutôt agréable, bien qu’un peu surchauffé.

Certes, à bientôt trente ans, je n’ai pas à m’enorgueillir de ce nouveau tournant, mais si mon penchant consiste à séduire et à multiplier les aventures pour mieux apprécier et faire fructifier ma solitude, alors laissons la nature.
Ce jour, donc, est le premier passé dans ce studio, les affaires rangées. Notre rapport restera, je l’espère, très amical avec Sandre. Un signe positif : notre voyage de presque quatre jours à Cassis (7-10 juillet) s’est déroulé très harmonieusement. Là encore, l’éloignement ne devrait laisser subsister que le meilleur de nos liens.
J’ai procédé au changement de siège social pour l’association Histoire locale que j’anime et qui vient de sortir son septième titre, A travers les rues de la Calade.
Shue [amie iranienne rencontrée à la BN en 1996], qui devait m’accueillir une semaine à Paris afin que je puisse effectuer des recherches (l’incendie dramatique de la bibliothèque de lettres de l’université Lyon III, avec la destruction de quelque 400 000 volumes, m’a atteint directement dans mon travail universitaire), ne le pourra malheureusement pas, car elle reçoit et surveille, à la demande de sa tante, plusieurs neveux.

Lundi 19 juillet
Revu à Paris, il y a quelques semaines, mon amie de lettres Karine V. Elle, si belle, si fine, est devenue anorexique, dépassant tout juste les quarante kilos pour plus d’un mètre soixante-dix. Terrible gâchis. J’ai tenté de la soutenir au mieux. Elle doit peut-être passer dans la région lyonnaise, puis à Roanne le week-end prochain. Nous nous sommes promis de nous voir.
Reçu un faire-part de mariage de ma plus ancienne amie (depuis la première du lycée Cergy Saint-Christophe en région parisienne) : Aline L. Elle doit s’unir le 23 septembre prochain aux Eyzies. Je ne pourrai malheureusement pas m’y rendre étant donné la difficulté pour faire en train Lyon-Les Eyzies (environ neuf heures de voyage avec deux changements, et passage à Paris). Infernale habitude en France de développer les réseaux de communication dans l’axe nord-sud et point l’est-ouest. A croire que l’on ne puisse que monter vers le froid ou descendre pour suer !!!
Je me sens très bien dans ce studio rue Vauban. Taille parfaite, idéalement placé (je suis à dix minutes à pied du magnifique parc de la Tête d’Or), juste un peu surchauffé en cette période ; un bon ventilo et c’est oublié...
Ma Sandre... heu disons plutôt Sandre maintenant, n’a pas trop le moral ces derniers temps. Des soucis de santé qui, je l’espère, ne cache rien de grave.
Lors du séjour de Sandre en Tunisie avec sa mère, j’avais sympathisé avec
une jeune femme du Domaine de Tassin. Ceci s’est ancré dans les meilleurs aspects, me permettant de jouir des très agréables infrastructures (piscine, tennis) de la résidence. Sandre est bien évidemment au courant et ne s’en est pas du tout offusquée.
Me voilà donc revenu au temps de la conquête et de l’éphémère. La séduction doit à nouveau s’exercer tous azimuts, en prenant bien soin de rester sélectif et attentif à ne pas blesser l’autre par mon choix de ne pas m’attacher dans une dualité exclusive. Florence, la jeune femme du Domaine, semble l’avoir bien accepté.
Ce soir, les trompettes médiatiques ont claironné sur la mort, par accident de l’avion qu’il pilotait, de J. F. Kennedy junior. Evidemment, la thèse d’une malédiction abattue sur cette famille, la plus célèbre des USA, s’est trouvée renforcée. Le petit bout d’chou qui
saluait la tombe de son père a voulu jouer au pilote arrimé alors qu’il n’avait qu’une licence de pilotage à vue. L’immodestie a été sanctionnée.
Il me faut relancer mon travail de thèse, sous peine de m’enliser dans l’irréalisable ad vitam...

Août

Jeudi 19 août
Un mois déjà depuis mon dernier passage. Que cela file ! Mon été se sera dispersé entre quelques opérations promotion de mes derniers titres, quelques passages à la bibliothèque municipale, la lecture des ouvrages pour l’institut Galien et mes divers séjours (Cassis, Fontès, Paris, Au). Ma thèse n’avance pas comme je le souhaiterais. Je vais d’ailleurs essayer d’éviter de payer des droits universitaires cette année en me faisant suspendre (à voir avec Marc D.).
Je suis enchanté de mon nouveau nid et de sa situation dans Lyon. A taille idéale pour vivre intensément mon célibat, il est au cœur de tout, à proximité de tout ce qu’une grande ville peut offrir.
Pour mes diverses activités, et pour habiller l’appartement, je me suis fait descendre par transporteur cent trois
kilos de mes livres. Samedi prochain Sandre m’emmènera à Ikéa pour que j’achète deux ou trois bibliothèques. Nous nous entendons à merveille comme amis, au point que nous devons partir la première semaine de septembre à Sanary, près de Bandol, dans un studio d’une de ses amies. Son moral étant très détérioré, cela lui fera le plus grand bien.
Ma relation avec Flo du Domaine ne manque pas d’intérêts : tennis, amour charnel et baignades me conviennent parfaitement. Cette amante est gourmande d’enlacements approfondis. Je la revois demain soir.
Pour ma quête d’une activité salariée à mi-temps, afin qu’existe une stabilité financière minimum, je me suis inscrit à l’APEC, section cadres confirmés. Comme gérant salarié j’avais, sans le savoir, cotisé à cette association, ce qui me vaut d’être considéré comme cadre d’expérience.
La Turquie a tremblé en plein cagnard : au moins sept mille morts, trente mille blessés environ. Des constructions ne répondant absolument pas aux normes antisismiques. Toute une branche d’activités qui a préféré moins dépenser au risque de mettre en danger les habitants.


Ne croyons pas être à l’abri dans l’hexagone : Nice présente les mêmes caractéristiques. Nous pourrons apprécier cela sur pièce si l’autre extrémité de la faille donne un signe mortifère.
Mon séjour au château, la semaine dernière, s’est bien déroulé : arrivé le jour de la fameuse éclipse (Laon figurait dans la zone totale) avec ses grappes de curieux grégaires, j’ai profité de mon retour pour voir mon père et Shue (toujours aussi resplendissante...).
Mon père a déjeuné avec Heïm le 10 août, après 17 ans. Très affectives retrouvailles.

Vendredi 20 août
Sueurs froides ce matin, ce qui est un comble pour un mois d’août lyonnais. Le prêt négocié pour la SCI devait être débloqué ce matin par l’Ecureuil aux grosses bourses. Mon interlocuteur privilégié, monsieur P., m’avait assuré lors d’un contact téléphonique que la somme serait disponible en totalité, et non par tranches sur présentation de factures comme le spécifie l’article six du contrat type.
Or, ce matin son remplaçant, monsieur F., me transmet les tergiversations du service prêt sur ce fameux déblocage. Lui, comme toujours et pour honorer sa compétence, n’est pas au courant du dossier. Je grogne un peu, il contacte P. en vacances (mais présent à Laon) qui lui confirme mes dires, et voilà l’affaire réglée... jusqu’au prochain épisode.
Depuis les premiers contacts, cela fait trois mois pour un petit bout de prêt insignifiant. Qui ose prétendre que les banquiers français sont autre chose que des gras-doubles frileux ?


Pour ma part, j’en ai soupé des inconsistances de ces messieurs, de l’insécurité, de la non fiabilité systématique de leurs promesses. Encore une caste qui mériterait quelques écharpages.
Pour ne pas quitter trop vite ce secteur chéri, notons la perspective ridicule de la future, mais toujours improbable, SBP, si le projet de la BNP (fusionnant avec Paribas et la Société générale) parvient à son terme. Ridicule en comparaison avec le mastodonte japonais qui sera également issu d’une fusion à trois, mais pèsera quelques mille deux cents milliards de dollars, soit plus de cinq fois le budget annuel français ! Numéro un de sa catégorie bien sûr !
Les chiffres du drame turc - Allah est grand, surtout pour faire trembler les plaques - s’alourdissent : l’ONU estime qu’autour de quarante mille personnes auront été écrasées.
Voilà mon tour d’horizon rédigé depuis l’ensoleillé parc de la Tête d’Or, poitrail en cours de bronzage.


Dimanche 22 août
Délicieuse entrevue avec Flo au Domaine : tous les sens furent comblés. Après quelques échanges bien appuyés au tennis, la nuit s’est déroulée sous les meilleures effusions. Puis, par une matinée déjà bien entamée, notre astre adoré a réchauffé nos trempettes dans la piscine désertée.
J’ai appris par Sandre, qui tenait le cancan d’un voisin, qu’une réputation de cocufieur courrait sur mon compte au Domaine, depuis la semaine où l’on m’avait vu avec Flo et sa sœur au bord

de l’eau. Quelle réjouissance que d’offusquer les médiocres autochtones. Sandre, très justement, a répondu au gentil voisin (lui-même en situation de rupture) que j’avais tout à fait le droit de sortir avec qui je souhaitais, notre séparation étant décidée depuis plusieurs mois.
Ce qui rend les colporteurs de ces dépréciations dignes d’une série de claques, c’est la motivation de leur jugement. (Amusant : j’écris ces lignes au parc de la Tête d’Or, et voilà qu’un résident du Domaine, très gentil chef de famille par ailleurs, vient de me saluer après avoir fait son footing matinal. Comme quoi ils ne sont pas tous mauvais.) Si j’avais forniqué la Flo au beau milieu de tous ces braves culs-pincés, si même j’avais simplement embrassé la demoiselle au vu de tout un chacun, j’aurais pu admettre qu’on me considère comme un sagouin coquin ; mais rien dans mon comportement, ni celui de Flo, ne pouvait laisser supposer un rapport autre qu’amical. Je n’allais pas avoir l’inélégance par rapport à Sandre de m’afficher charnellement avec une habitante du Domaine. L’affaire repose donc uniquement sur des jalousies calomniatrices.
L’après-midi du samedi, Sandre m’a accompagné pour l’achat de trois bibliothèques que j’ai montées hier soir, comme un grand, et remplies des ouvrages, descendus du château, jusqu'à deux heures du matin. Cet ameublement livresque habille la pièce, mais je pourrais encore me permettre d’en préparer d’autres lors de mon prochain passage à Au, de la place subsistant.
Sandre semble aller un tout petit peu mieux, et nos entrevues affectivo-amicales paraissent lui faire du bien. Notre semaine à Sanary devrait la reconstituer davantage, avant qu’elle ne se fasse opérer le 13 septembre, au lendemain de ses trente ans.
La Turquie compte ses morts par dizaines de milliers et le scandale de l’incompétence crasse des autorités, qu’elles soient centrales ou locales, s’amplifie. Un journal a même écrit, avec la veine pamphlétaire que j’affectionne, que le président constituait le « premier des gravats » à évacuer au plus vite. En France aussi un ménage grands fonds serait de bon aloi.
Les promoteurs immobiliers turcs ont du souci à se faire pour leur sécurité. Certains immeubles, édifiés avec du ciment mélangé à du sable et des coquillages, pour donner une note d’exotisme, sans doute, ou de touche locale, selon les endroits, se sont lamentablement écroulés et simplifient le labeur des sauveteurs : là, aucune chance de survivants !


Mardi 24 août
Canicule à Lyon. La Caisse d’épargne
me broute vraiment les noix, et c’est un comble pour l’emblème de cet établissement. Le sous-fifre F., à qui le responsable de l’agence de V. (P.) a confié le dossier du prêt SCI, m’avoue son embarras face à la réticence du service prêts pour débloquer la p... de somme attendue depuis deux mois. Nouvelle infiabilité de ces glandus.
Vendredi tout semblait réglé, l’oseille devait s’écou­ler dans les heures prochaines, et patatras ! Je grogne, je gueule, je m’indigne et le blet interlocuteur me renvoie vers le responsable du service prêts, de retour ce matin de vacances. Je joins cette nouvelle autorité et lui brosse l’historique de la situation, sans manquer d’accentuer les désagréments occasionnés par leur inconstance. L’homme semble vouloir trouver une solution rapide : un chèque de banque d'une partie de la somme sera porté aujourd’hui au compte de la SCI ; pour le reste, monsieur P. se rapprochera de moi dès son retour. Que de complications enlisantes pour une somme aussi ridicule !
Soit je suis un très mauvais négociateur, soit la frilosité des établissements de crédit et les carences structurelles et hiérarchiques dépassent le concevable.
Fini la recherche de miraculés en Turquie, place au grand nettoyage.
Le premier non-événement de cette fin d’été en politique française ne dément pas l’état d’inanité pitoyable du secteur : Noël Mamère hérisse ses bacchantes, croyant pouvoir effrayer le gouvernement. Son minus ultimatum de quitter la majorité plurielle si certaines mesures ne sont pas prises rapidement sonne creux. Robert Hue en profite pour monter à la tribune de son parti et faire valoir son poids politique et parlementaire incontestable dans la majorité gouvernementale, et d’ajouter qu’il considère les coups d’éclat de Cohn-Bendit and Cie comme de la « gonflette politique ».
Nique Mamère devrait être le cri de ralliement pour botter les fesses de ce piètre microcosme.
Je dois préparer toute une série de choses avant mon départ à Sanary : séminaires pour Galien, argumentaire pour ma prochaine publication (L’enseigne à Lyon de John Grand-Carteret) et ma thèse qui n’avance pas...


Mercredi 25 août
23h. Vendredi soir prochain, Sandre et moi devons rendre visite à un couple ami (Bruno et Christine) et à leur fille-bébé Nolwenn. Le Bruno en question, au service de santé des armées, m’avait prêté trois bouquins que je dois lui rendre demain (en espérant pouvoir les consulter rapidement ce soir, dans l’urgence, alors que je les ai depuis trois mois !) : Les Rats maudits - Histoire des étudiants nationalistes - 1965-1995, œuvre collective, et L’épuration sauvage en deux tomes par Philippe Bourdrel.
Je lâche la plume pour rejoindre ces écrits.


Vendredi 27 août
Parallèle amusant à noter :
Je finis hier l’ouvrage d’Edouard Zarifian, Des paradis plein la tête, au programme des étudiants de pharmacie. Parmi les adresses utiles données en fin d’ouvrage, France-Dépression sise 119, rue Vercingétorix à Paris (75014) : or, cette fameuse rue Vercingétorix m’a accueilli, via mon Purgatoire, en 1994 au summum de ma dépression lors du désastre du GIE Ornicar et de toutes les sociétés membres que je présidais.
Ma cure psychologique s’est passée de toute consultation et de tout rapprochement d’une association, comme ma voisine d’alors dont j’ignorais l’existence, mais a eu recours à l’écriture, comme en témoigne certaines pages de ce Journal.


Samedi 28 août
Arrivée avec Sandre à Sanary-sur-mer dans le studio très généreusement prêté par un couple d’amis. Je suis là incognito, car ni les parents de Sandre, ni le couple ne savent que je l’accompagne.
Très agréable pied-à-terre, avec rez-de-jardin, transats, chaises, tables et tout le confort nécessaire. Voilà une belle manière de finir la période estivale. J’ai malgré tout emporté les ouvrages au programme des pharmacies, car dès le mardi 7 septembre je commence mes séminaires de rentrée.
Quel plaisir de travailler dans ce cadre varois.

Dimanche 29 août
Oublié de noter la découverte faite lors de ma lecture de l’historique des mouvements nationalistes en France. Le groupement Occident accueillait comme membre Alain Madelin (son nez cassé s’explique par quelques bastons sans doute), Patrick Devedjan et Gérard Longuet. L’hypocrisie du parcours les a amené à renier leurs origines pour servir leurs intérêts.
Le projet de fusion à trois dans le monde bancaire français est tombé à l’eau suite à la décision de l’organisme financier qui chapeaute les établissements financiers, dirigé par J-C. Trichet, gouverneur de la Banque de France.
A Marseille, la faconde ne suffit plus pour contenter la truculence méditerranéenne : la grève des éboueurs ajoute la générosité des monceaux d’ordures en décomposition faisant bronzette pour la plus grande joie des narines.
Un premier jour au temps mitigé, mais cela devrait s’arranger.
Le Soir. Petit tour sur la place cet après-midi, puis promenade sur le port entrecoupée d’une dégustation de glaces Häagen-Dasz. Au marché provençal, nous achetons olives noires et fougasses pour le dîner. Très prosaïque, mais que c’est bon !

Lundi 30 août
Marseille poursuit sa démonstration de ville-crasse, et le ventre mou de notre système politico-administratif laisse faire. Jean-Claude Gaudin, le maire avé l’accent, a beau s’égosiller, les militaires ne sont toujours pas entrés en action ce matin. Par bonheur, les effluves malo­dorants ne parviennent pas jusqu'à Sanary.
Chaque parti a clôturé ses Universités d’été : de l’UDF et son bégayant mais joyeux Bayrou, jusqu'à la petite frappe Mégret, le félon aux longs cils, en passant par notre cher Premier ministre qui nous promet, sans l’accent mitterrandien, le retour du plein emploi dans dix ans. Rendez-vous est pris.

Mardi 31 août
La fraîcheur de l’ombre varoise a du bon après une journée de sable ensoleillée. En ajoutant quelques gorgées de rosée de Bandol et une plume acérée : la plénitude n’est pas loin.
La faune des bords de mer, à laquelle je m’associe de temps en temps, présente des archétypes à peu près constants : la bande de beurs ou assimilés, petits, le chien à grande gueule et poils ras, le poste stéréo méga-bass à fond et parfois quelques tasspês pour faire croire qu’ils savent enfiler ;

les quelques débiles mentaux que l’on sort et qui savent et bronzer et patauger dans l’eau ; la mère de famille sans vocation, à la douceur de poissonnière ou, par redondance, de Jackie Sardou (paix à son âme), qui beugle ses ordres débilitants aux marmots arriérés ou, au contraire, très lucides du ridicule de leur marâtre-mégère ; les petites donzelles aux formes à croquer, mais qui s’offusqueraient qu’on puisse les supputer allumeuses ; les bellâtres de tous poils (hé ! je me reconnais là... surtout pour la pilosité !) ; quelques jolis couples tout de même et des bébés à bouilles ravissantes...
Le chômage a encore baissé en juillet : on finirait par croire à l’approche d’un nouvel âge d’or...

Septembre

Mercredi 1er septembre
La journée est radieuse, aux limites du supportable. Comme tout bon méditerranéen qui se respecte, sieste ou lecture à l’ombre jusqu'à seize heures.
Nous rentrerons vendredi, et non dimanche, pour que chacun puisse effectuer ses tâches de rentrée.
Oublié de noter que mercredi de la semaine dernière, une tornade a fait d’importants dégâts au château d’Au : grosses branches arrachées, parc défiguré, tuiles à terre, toit de la cabane des chevaux envolé à une cinquantaine de mètres, selon les dires de Vanessa.
J’ai laissé un message sur le répondeur de Heïm proposant mon aide en cas de besoin. Heureusement, personne n’a été blessé et aucun arbre ne s’est abattu sur le château. L’élagage des arbres centenaires bordant la demeure pourra seul nous rassurer. L’histoire de ce site est marquée par quelques passages dévastateurs d’Eole.
Promenade avec Sandre sur le port-centre-ville de Sanary. Un marché en plein cagnard s’y tenait. Pas frais le poisson, cognante la charcuterie ; le bouquet n’était pas des plus fameux et le charme des jolies chairs bien galbées s’y faisait rare.
Dernière escroquerie mondiale qui parachève mon exécration des systèmes instaurés : le détournement de plusieurs dizaines de milliards de
francs alloués par le FMI à la Russie pour des enrichissements personnels, jusqu'à celui du clown Eltsine, et probablement avec le consentement des USA. Sans essayer d’entrer dans l’analyse fine et circonstanciée de ces bouseuses révélations, on peut déjà dégueuler un bon coup, à défaut de pouvoir agir.
Un attentat terroriste sur la place du Kremlin n’a malheureusement pas dévissé la trogne ivrogne du comique ponté.
Un trio français (astrophysicien, paléontologue et économiste) aurait trouvé la formule mathématique qui résume et peut prévoir l’évolution de toutes les espèces vivantes. Pour l’espèce humaine, le prochain changement brusque et significatif, qui détrônera l’homo sapiens sapiens, est prévu dans... huit cent mille ans. Connerie, violence et fric ont encore de longues et belles générations à conquérir...

Jeudi 2 septembre
Illustration du ventre mou de notre système : à Paris, via à la RATP, vient d’être ouvert un institut chargé d’apporter le soutien psychologique aux agents victimes d’agressions (au sens large). Par cette reconnaissance de l’inéluctable terreur banlieusarde on institutionnalise, en quelque sorte, la flopée de petits caïds. Et cela participerait à la marche évolutive du progrès social et politique ? Laissez moi gerber (une habitude chez moi...).
Certes, soutenir les conducteurs et machinistes choqués ou dépressifs n’est pas en soi une mauvaise chose, mais il me semble que la priorité réside dans l’ERADICATION des facteurs de merde. Pourquoi ne met-on pas tout en œuvre, en paraphrasant Pasqua, pour terroriser les petites frappes ? Des commandos spéciaux parviendraient très facilement à mettre hors d’état de nuire ces nuisibles.
Ça n’est pas possible politiquement, ça rappelle de mauvais souvenirs vont me rétorquer les bons samaritains de la déliquescence. Cette tolérance de l’inadmis­sible en fait des complices complaisants. Elle consiste à sodomiser les plus faibles en trouvant des circonstances atténuantes aux délinquants. Non et non ! Pas un homme politique qui aura les gonades pour anéantir ces zones de non-droit.
Dernier jour de plage et ce soir dîner au restaurant de la Tour à Sanary avec Sandre.
18h30 : bilan très positif de cette semaine de repos. Notre affection perdure même si l’amour n’a pas résisté. Une séparation exemplaire que la nôtre. Certains la jugeront suspecte... et pourtant rien de plus limpide dans notre rapport. Nous pourrions même, à l’extrême limite (ce qui n’est pas le cas) être amants occasionnels sans remettre en cause cette amitié affective qui nous unit.

Samedi 4 septembre
De retour à Lyon depuis hier début d’après-midi. Pas une fausse note avec Sandre durant le séjour. Notre départ a été salué par des trombes d’eau sur une partie du voyage.
A bientôt trente ans, je n’ai ni voiture ni permis. Singularité voire handicap à notre époque pour la quasi-totalité des gens, je n’en ai jamais souffert. Lorsque j’observe la transmutation des caractères au volant, cela me conforte à repousser l’apprentissage. Ces engins vous transforment le plus pacifique des hommes en tueur, la plus féminine des femmes en incongruité insultante. Pour ceux qui possèdent en eux l’agressivité en germe, l’amplification impressionne et dégoûte davantage de l’humanité.
J’écris ces lignes depuis un lieu sans voiture, le parc de la Tête d’Or, là où l’individu peut retrouver une certaine sérénité. Un cygne sur la berge du lac artificiel fait sa loi face à tout ce qui l’approche : chiens, enfants, adultes... une délicieuse teigne en somme.
Il me faut retrouver un rythme soutenu de travail face à ce qui m’attend à partir de lundi et pour avancer ma thèse.
Un banquier à malmener me ferait du bien. En particulier le P. de la Caisse d’épargne de V. Il fuit et n’a toujours pas fait débloquer le restant du prêt pour la SCI.
Je semble retrouver une certaine constance pour la tenue de ce carnet de bord. Espérons que je ne flancherais pas avec la rentrée. Rentrée littéraire pour certains, écriture dans l’ombre pour moi... à chacun son aune. De jeunes romancières touchent des à-valoir de cent cinquante mille francs pour leur prochaine ponte et moi je me morfonds dans l’inaccompli. Que diable, pas de morosité, tout s’ouvre si je sais m’y engouffrer. Maintenons ce lien essentiel avec la plume, multiplions les réflexions, les indignations, les abandons passagers pour mieux maîtriser l’art de transmettre l’essentialité d’une vie, même décevante.

Mercredi 8 septembre
Un Columbo de derrière les fagots avant de recevoir Catherine T.
Après la Turquie, c’est la Grèce qui a tremblé du fondement, avec moins d’entrain certes, mais quelques dizaines de morts tout de même. Encore une fois, sauveteurs turcs et grecs main dans la main pour retrouver des survivants
Au Timor, annexé par l’Indonésie depuis quelques décennies, comme notre ami Saddam eût voulu le faire avec le Koweït, les têtes bordent certaines routes au bout de piquets. Après avoir organisé le référendum
pour l’indépendance de ce territoire, l’ONU tortille ses graisses et se limite à quelques circonvolutions, incapable d’assurer la sécurité post-scrutin. Que les massacres continuent...
Ma rentrée avec les étudiants de pharmacie s’est bien déroulée. Une dominante féminine dans le petit groupe du stage de rentrée.
J’ai photocopié les correspondances qui me manquaient avec Sandre. Je vais pouvoir les intégrer à ce Journal. Pas loin de deux cents lettres de ma part.

Mardi 14 septembre
Sandre se fait opérer ce jour. Une tendre pensée pour elle dans l’espoir que tout se passe bien.
Trop de travail pour la préparation du stage de rentrée des médecines à l’institut Galien. Je ne peux vagabonder ici.
Pour la correspondance, un Manus VII est nécessaire.

Samedi 18 septembre
Ma nouvelle fournée d’étudiants en préparation des concours de médecine et de pharmacie semble d’une bonne facture. La reprise du travail d’enseignement à domicile et à l’institut Galien va renflouer mes caisses qui en ont bien besoin.
Hier soir, apéritif longue durée et pantagruélique chez Sandre pour ses trente ans, en compagnie de quelques amis, dont Jean-Philippe toujours aussi agréable et d’une très charmante Florence P., résidente du Domaine.
Après ces nombreuses dégustations, poursuite de la soirée avec une partie de groupe chez René, au All Sport Café : son affaire périclite inexorablement et le dépôt de bilan s’annonce pour la fin de l’année, à moins d’un miracle. Abandonné par son épouse, incompétent pour un métier qu’il adore, sa distraction néo-pascalienne tient dans la multiplication des sorties nocturnes, entraîné par une partie de son personnel bien plus jeune et frais de santé.
A ce sujet, découverte de deux antres de la nuit lyonnaise avec ce cher monsieur Royal et son compère René : Le 42 et le Flamenco Rock tenus par deux frérots par alliance, des beaufs en somme. Appréciations contradictoires suite à une montée misanthropique, comme j’en ai le secret, face à des crasses en col blanc ou coloré, m’as-tu-vu à prendre des claques et bousculeurs à étriper. Par malheur pour l’écriture de tripes dans laquelle j’excelle, ni plume ni papelard avec moi. J’ai donc ruminé sur le mode autarcique.
Avec ce beau samedi de fin d’été, le fondement calé sur un banc public de la Tête d’Or, la bienveillance pour l’humanité a refait surface.
Pour prolonger cette note positive, l’Algérie semble en passe de sortir de l’ère des égorgeurs islamiques. L’explication : les coups d’éclat de l’actuel président et sa Concorda plébiscitée à 99 % par référendum, avec une participation exemplaire (si j’était démocrate je jalouserais ce civisme pour nos vieilles démocraties). Alors, ce « de Gaulle algérien » comme l’a appelé mon analyste de politique internationale préféré dans le tube cathodique, l’impétueux Chritian Malar, du pipeau, du futur assassiné ou de la vraie graine d’homme d’Etat pour la renaissance algérienne ? Je ne m’essayerai pas à l’art des pythonisses.

Mercredi 29 septembre
Hier, vers 16 heures, certainement parmi les premiers acheteurs du CD de Sting, Brand New Day : une merveille délivrée, comme à son habitude. Conception musicale diversifiée, sons à la clarté enivrante, de multiples genres magnifiés. A thousand years, par sa tonalité profondément mélancolique dans les notes (moi et la langue anglaise ne nous fréquentons pas des masses) m’a particulièrement imprégné dès la première écoute, celle permettant normalement de s’acclimater à l’ambiance diffusée.
Première colle pour les pharmacies à achever pour demain : le résumé d’un texte de deux mille mots environ, extrait de l’ouvrage d’Edouard Zarifian, Des paradis plein la tête (chapitre IX, « L’idéologie scientifique ») ; comme sujet de dissertation, les propos véhéments de Lewis Wolpert, professeur de biologie appliquée à la médecine au University College London, pour qui j’ai une certaine sympathie intellectuelle (mais ça il ne faut pas le dire) : « - Et que pensez-vous de l’argument du respect de la dignité humaine ? [à propos du clonage humain] - Oh, s’il vous plaît, pas ça ! J’ai ce genre d’arguments en horreur ! Ne me servez pas de telles inepties ! Ce sont des âneries ! De quoi parlent-ils avec leur respect de la dignité ? Ils sont dégoûtés par ça, et leur seul argument c’est que tout être a droit à son propre code génétique ! Quand on leur demande « Pensez-vous que le code génétique détermine une personne ? » il répondent : « Bien sûr que non ! c’est l’environnement qui le détermine... » Je suis effrayé par la pauvreté du débat. »
Je les bichonne mes étudiants, non ?
Samedi soir dernier passé à Annecy en compagnie de Jean-Philippe, la belle black Angela, et le couple Faustin-Audrey (une grande blonde d’une esthétique de visage à s’écrouler raide). Je devais retrouver la gérante d’une crêperie au Garage (boîte de nuit) ; je l’avais abordée dans l’ambiance nocturne et musicale quatre mois avant. Pas les retrouvailles du siècle pour moi ! surtout en compagnie d’Angela et Audrey... elle fait pâle figure... Ce sera pour plus tard la découverte de la belle qui me fera fondre.

Octobre

Lundi 4 octobre, 0h10
Je finis de taper la correction de la colle concoctée pour mes étudiants de pharmacie. Dans l’épreuve de vocabulaire, le mot lithium dont Edouard Zarifian rappelle la propriété majeure : « il empêche - totalement ou en partie - les rechutes de dépression grave et d’excitation euphorique qui se succèdent dans l’affec­tion appelée psychose maniaco-dépressive. »
Tout à fait mon comportement en ce moment : je cumule les contrastes d’humeur. Devrais-je m’en remettre à une cure psychotropique ? L’écriture devrait faire l’affaire.
Très agréable soirée samedi avec Sandre, Jean-Philippe, l’adorable Florence et une de ses amies, Estelle.
Vu le der des der de Kubrick Eyes... shot (moi et l’anglais !). Intéressante approche des maîtres du monde, vus du côté loisirs orgiaques. Très beau popotin de N. Kidman.

Mercredi 6 octobre, 0h16
A trois heures du matin, fini la vingtaine, mes trente ans auront sonné. Quel tournis ce temps qui passe. Trente ans ! ça commence à sentir un peu le moisi ! Situation précaire, mais de passionnantes choses à accomplir, cette thèse qui n’avance pas...
J’ai repris la lecture du Journal littéraire de Paul Léautaud, au volume XIII. Un vrai plaisir de retrouver la fluidité simple de ses mots, la narration de ses journées (en pleines Seconde Guerre mondiale).
Bilan très mitigé de ce bon morceau de mon vécu. Mon Journal, tenu depuis 1991, est là pour en témoigner.
A l’écran, sur Arte, une probable adaptation d’écrits de Sade. Beaucoup de chattes et de seins en gros plans, mais pas une action fornicatrice.

Mardi 12 octobre, 0h30
Repris la lecture de Léautaud, volume XIII, 1940. Un bien agréable rendez-vous littéraire lorsque je trouve le temps et que l’attention demeure. Et le papier du Mercure, un délice au toucher.
Demain soir tard, une petite concession au grégaire : je serai parmi les premiers spectateurs de La Menace fantôme.

Mardi 21 octobre
Minuit arrive à grande aiguille pour achever cette journée. Je dois maintenir le lien avec ce Journal, même si le décousu doit en être la règle.
Le rapport avec Sandre s’est un peu distendu, certainement parce qu’elle vit une accroche affectivo-sexuelle. Ce n’est sans doute pas plus mal comme cela. Ma psychologie est parfois curieuse : sujet à la démoralisation envieuse lorsque je la sens jouir, ou tout au moins exulter à l’évocation de bons moments vécus avec cet alter ego transitoire ; l’impression que le passé partagé se dégonfle piètrement face à l’enthousiasme affiché. Au contraire, ma nature se ragaillardit lorsque je la sais en détresse et susceptible d’avoir besoin de mon soutien affectueux. Un caractère de merde, pour résumer. Voilà pourquoi un contact moins fréquent sera salutaire pour nous deux.
La complicité amicale avec Jean-Philippe D., directeur de l’hôtel R., est en revanche en situation d’enrichissement. Moi qui ne suis pas en quête de contacts masculins, je crois avoir là un authentique ami.
Le sentimental n’est en rien fixé. Un peu de ménage de-ci de-là pour ne conserver qu’un lien charnel avec Flo du Domaine. En revanche, une vraie séduction ressentie par le contact de Florence P., ex. du Domaine que Jean-Philippe devrait tenter de courtiser en vue d’une vraie histoire d’amour. Le veinard.
Lundi prochain, je passe par la capitale : petite halte jusqu’au lendemain fin d’après-midi pour aider Shue dans la finalisation de sa thèse ; puis, départ pour l’Aisne. Au programme : troisième ou quatrième audience pour la SCI au TGI de Laon, récupération de l’original L’enseigne à Lyon et, je l’espère, d’un exemplaire de la réédition, et enfin interview de Heïm pour le premier CD sur sa vie.
Après ce rapide, mais nécessaire tour d’horizon, qui reste très incomplet, je rejoins le coin de mon traversin...

Samedi 23 octobre
Loupé l’avant minuit cette fois. Naissance d’un jour pour annoncer la mort du benjamin de l’épopée heïmienne : Gilles C., l’oncle de Karl, frère de Sally. Heïm m’a appris la nouvelle hier en début d’après-midi. 49 ans, attaque cérébrale. Terrible impression... et ça n’est que le début de l’hécatombe.
Papon a été arrêté en Suisse et les politiques sont heureux de cette mascarade. Dans le même temps, on ne rechigne pas à accueillir en grande pompe, jusqu'à Lyon d’ailleurs, le sanguinaire potentat chinois au nom imprononçable. Pitoyable.

Novembre

Mercredi 3 novembre, 1h08 du matin
De retour à Lyon depuis hier après-midi, je m’accor­de seulement à cette heure tardive un petit droit à la plume depuis mon dodo.
Le passage à Paris et au château s’est bien déroulé.
Pour Paris : à l’aller et au retour pause chez Shue pour l’aider dans sa thèse. Au retour, tournée des mater-pater pour mon anniversaire.
Au château : récupération des premiers exemplaires de ma dernière réédition : L’enseigne à Lyon ; enregistrement des premiers entretiens avec Heïm pour que puisse sortir le premier CD de ce que l’on espère une longue série.
Aurais-je joué les salopards ? Toujours est-il que Sandre m’a appris au téléphone, durant mon séjour à Au, que Jean-Philippe, pas le jardinier du château mais le directeur du R. lyonnais, ne voulait plus me revoir. Fini l’amitié, la rupture « bête et brutale » comme la chanterait Brel, pour avoir eu l’affront d’aider la chère Florence P. chez elle un dimanche après-midi.
Je lui ai envoyé un courrier non de justifications, mais de compréhension du mal fait, c’est ma très grande faute ! et souhaitant qu’il ne tienne Florence P. pour aucunement responsable de cette si terrible trahison. Pas la moindre réaction de sa part depuis mon « pour le reste, tu es le seul juge », conclusion de cette missive. Il semble que la condamnation silencieuse ait été adoptée...

Lundi 8 novembre, 0h30 environ
Ma vie lyonnaise s’épice après la persistance du bougre Jean-Philippe à me laisser en quarantaine, malgré mon geste de repentir. Pourquoi donc devrais-je endurer tous les chagrins ? ! Je le conchie voilà tout. Je ne vais pas en plus m’obliger à ne plus revoir amicalement Florence P., quitte à contredire ma lettre que le déchu s’est empressé de lire à Sandre. Je vais donc aussi jouer la transparence avec ceux qui m’importent.
Cela n’empêchera sans doute pas mon exclusion d’être intensifiée, mais la bataille est lancée. A la Jeanne d’Arc j’étriperai l’inflexible, le roide susceptible.

Mardi 9 novembre, 0h10 environ
Une pratique de plus en plus fréquente pour la tenue de ce Journal : prendre la plume à la journée naissante, après avoir enlevé mes lentilles. Voir ma plume Sheaffer glisser sur le papier au plus près motive peut-être la poursuite de la rédaction.
Déjà dix ans que le mur de Berlin a été mis à bas. Gorbatchev, de très intelligente façon, rappelle que cet événement prétendu n’est qu’un épiphénomène à valeur de symbole qui n’aurait jamais eu lieu sans le préalable, fondamental selon lui, de la perestroïka. Certes, l’ancien dirigeant soviétique défend son clocher et son grand œuvre (entrepreneur de démolitions en quelque sorte), mais cela n’entache pas la justesse de ses propos qui désacralisent un chouïa la portée abusive des symboles...

Demain je reçois mon nouvel ordinateur et la suite des Enseigne à Lyon. L’ouvrage a été présenté hier soir, trop rapidement à mon goût, sur TLM. Je doute de l’impact. Le Progrès doit sortir très vite l’article de Garin-Michaud.

Vendredi 12 novembre
Envoi d’une carte artisanale à Shue pour son anniversaire de demain.
Jeudi, très agréable moment passé au magnifique Café des négociants avec Florence P., toujours aussi adorable, et son amie Estelle. Moi si disert lorsque je ne me sens pas impliqué par la relation, qu’elle soit cordiale ou charnelle, je m’angoisse d’un vide dans la conversation lorsque je suis sous le charme.
Tant pis pour le gars Jean-Philippe qui n’a pas su me faire confiance et dont la rancune lui sert de justification. Qu’au moins ce véritable procès d’intention soit fondé sur une réalité, même si celle-ci n’est qu’a posteriori. Mon sens du sacrifice ne va pas jusqu'à endosser la sentence d’un crime que je n’ai pas commis. En l’espèce le délit potentiel serait un délice.
Fanfan mité était plutôt d’un genre austère ; avec Jacques Chirac, la détente des zygomatiques s’amorce. Très sympathique pour beaucoup, il détone un chouïa en Président.
Ce soir, à Marseille, les médias nous apprennent qu’il a... mangé une bouillabaisse : deuxième titre après le nouveau tremblement de terre en Turquie. Mieux que d’inaugurer les chrysanthèmes... pour les quelques milliers de morts que l’on peut encore déplorer pour le pays victime.
Demain soir, je passe la soirée avec Flo, et un tennis est prévu pour le dimanche matin... en espérant un réveil pas trop tardif.
A trente ans, je me sens plus décalé que jamais dans mon inarrimage social. Mes activités multiples mais peu rémunératrices ne répondent à aucun plan de carrière, et moins encore à une sécurisation de ma situation. Autonomie, indépendance en sont la contrepartie positive. La chance de maîtriser de bout en bout une petite structure éditoriale qui me confère le fabuleux statut d’éditeur, n’est pas le moindre des privilèges.
La carrière m’emmerde, l’ambition me fait bâiller, l’étalage friqué m’indiffère... Je reste un peu poète en rage, prêt à sauter au cou du connard pour l’achever. Exit les foireux !

Samedi 20 novembre, 0h30
Les dates défilent... Le moral n’est pas des meilleurs. Sans doute la conjonction de divers facteurs...
En revanche, je me plais totalement dans mon nid, refuge à ma dimension de célibataire, très fonctionnel, très bien situé...
Puisque le rancunier Jean-Philippe m’a exclu de toutes les prochaines sorties, voyages et autres pérégrinations, je vais rebondir vers de plus passionnantes sphères.
Mon 31 décembre avec Laurence, de l’institut Galien, et ses amis dans une maison de campagne...
Premiers pas sur internet via Wanadoo. De bonnes choses, mais je fulmine souvent contre les aberrations de certains systèmes, la lenteur de chargement et mes incompréhensions informatiques.
Le cinquième grand cahier de notes devrait sans souci s’achever avant la fin de l’année (j’entame la dernière page). Les VI et VII sont constitués de la correspondance avec Sandre R. alias ma Sandre (92, puis 96-98). Je commencerai donc le huitième gros cahier. Le volume commence à se faire sentir... mais l’intérêt ?
Le thème du clonage, que j’étudie avec mes pharmacies, est un bon révélateur des hypocrisies de certains pays et au premier chef des Etats-Unis : rigueur publique affichée, laissez-faire privé effectif...

Vendredi 26 novembre
Je terminerai ce cinquième cahier de mon Journal, enfin ! depuis avril 95 qu’il est ouvert, en évoquant Michel Polac reçu cette nuit par PPDA dans Vol de nuit.
Sort en janvier prochain des extraits de son Journal qu’il tient depuis 1944 (un total de vingt mille pages environ). Le vieux monsieur sort aussi La Luxure sur sa vie sexuelle.
Toujours aussi brillant et revigorant. Cela me rappelle son Droit de réponse auquel j’étais très fidèle.
Certainement une des dernières fois qu’on le verra sur le petit écran. Triste temps qui défile...

Décembre

Mardi 7 décembre
Interrogations à trente ans et deux mois. Quel bilan tirer de cette bonne partie d’existence qui a filé si vite. Un décalage avec le monde qui tend à s’accentuer... et mon isolement lyonnais (que je savoure dans une cyclothymie indécrottable) n’arrange rien. Aucun plan de carrière en vue et pour cause : pas l’ombre d’une carrière envisagée. Cette indépendance sur un fil de rasoir bien modeste constitue peut-être ma seule perspective.
Méfiance tout de même : je n’ai jamais pu prévoir la teneur de ma destinée à quelques années d’intervalle, et ma situation actuelle confirme encore l’accent imprévu des tournants existentiels.
Une terrible envie de me plonger dans le Journal de Michel Polac. J’attends la parution du premier volume aux PUF avec une impatience gourmande, quitte à délaisser un peu plus celui de Léautaud... pour un temps seulement.
Le chambard fin de millénaire s’annonce insupportable. Peut-être ferais-je bien de vivre ma quarantaine, enfermé pour la Saint-Silvestre.
Rien de passionnant à retirer des grouillements de l’actualité.

Samedi 18 décembre
Avant d’aller passer une douce soirée lyonnaise avec Flo, quelques notes sur l’actualité.
« Vladimir le terrible », comme l’a baptisé un hebdomadaire français, confirme, pour ceux qui auraient été tentés de croire à la bonne vertu internationale, le manque de couillage des nations. Son écrasement de la Tchétchénie (prononçable plus facilement pour un bègue enrhumé, sans doute) ne donne lieu qu’à de timides courroux, bien loin de la démonstration de force étalée sur la Serbie.
Eltsine, piteux mais dangereux, comique mais politique, n’est-il qu’un fantoche imbibé ou le délirant nettoyeur de la région islamique ? La population semble en tout cas soudée derrière le Valdimir and Cie ; on se souvient d’autres soutiens populaires pour d’aussi terribles personnages.
Je pars le 24 décembre au matin direction Deauville, via Paris, avec Sally et Karl. Le soir, Heïm et Vanessa nous rejoindront pour un réveillon que j’espère doux et chaleureux. Pour la bonne chère, j’apporterai un chapon, des quenelles de brochet et de la sauce Nantua, le tout retiré à la réputée Halle de Lyon.
Un cargo a déversé une bonne partie de son chargement visqueux (fuel ?) après s’être fendu en deux. Le littoral français frémit à juste titre d’une marée noire majeure. Encore une fois, le gain à tout prix a largement favorisé ce drame : les responsables bien grassement rétribués méritent un long séjour dans la fange malodorante, milieu adéquat pour ces merdes financées.
Courant janvier, nous devrions nous retrouver à Etretat avec Hermione et Angel, Karl et son amie (Isabelle), et... Shue, ma meilleure amie, qui me ferait l’extrême plaisir de m’accompagner, moi le célibataire lyonnais.
Plus de nouvelles de Florence P. Elle reçoit en ce moment son ami venu d’Afrique du Sud pour deux mois. Sans doute un séjour qui enterrera définitivement cette relation. Pas plus de nouvelles d’Isa M., professeur de lettres à l’université de Lyon, rencontrée il y a une quinzaine... Son déménagement, suite à une rupture, doit monopoliser toute son attention. A moins que... En amie et/ou amante, elle serait parfaite.
Je reste relativement sage : depuis ma reprise de liberté, je n’ai entretenu de charnelles relations qu’avec une petite dizaines de lyonnaises.

Vendredi 31 décembre, env. 2h du matin
Le voilà ce satané jour comme les autres, alors goûtons le dès son début.
Nous voulions de l’exceptionnel pour ce passage d’un millénaire l’autre : nous voilà amplement gâtés ! Deux tempêtes, comme on en voit habituellement que dans les pays pauvres, ont ravagé successivement le nord et le sud de la France.
Pour celle du nord, j’étais un témoin direct, passant mon Noël à Villers-sur-Mer, non loin de Deauville. Heïm a dû partir le samedi midi avec Vanessa, suite à une augmentation aux consonances mortelles du taux de sucre dans le sang (la veille au soir fut bien arrosée...).
Sally, Karl et moi avons donc pu apprécier la puissance d’Eole, bien que la maison louée ne soit pas directement sur le fronton de mer. Une infinie modestie, une humilité extrême me noue face aux déchaînements du vent et à l’ampleur des destructions pour le pays...